(09/08-2023) – En 2017, l’agence de communication Mots Clés publie son Manuel d’écriture Inclusive avec le sous-titre: Faites avancer l’égalité homme-femme dans votre manière d’écrire.
Ce manuel vous dit comment écrire en écriture inclusive sans pour autant vous expliquer pourquoi. Juste: C’est mieux comme ça, et si vous ne le faites pas, vous écrirez donc en écriture exclusive et ce n’est pas bien.
Mauvais signe, le manuel commence par faire la confusion entre discours et langue:
Le discours condense ainsi les transformations en cours au sein d’une société: il les reflète certes, mais les configure également. En ce sens, il témoigne et participe à la construction et la perpétuation d’inégalités et de stéréotypes de sexe, tel·le·s (sic!) que nous les observons au quotidien. (Manuel d’écriture inclusive – page 3)
Comme vous pouvez le lire ici, il est question de discours alors qu’en fait, ils parlent de la langue.
Et langue et discours, c’est une opposition de base en sciences du langage. N’importe quel linguiste digne de ce nom vous le confirmera.
La langue, c’est un système combinatoire de signes et un ensemble de conventions qui permettent l’expression, c’est une virtualité.
Et le discours, ou la parole, c’est l’utilisation concrète qu’on fait de ce système.
Donc en s’en prenant à l’écriture, ils s’en prennent à la langue, dans son fonctionnement structurel.
Et les idées, les jugements de valeur, les croyances sont dans le discours. Ils sont dans la parole, dans les écrits. Et non pas dans la langue qui est un système abstrait et qui, en tant que tel, ne dit rien.
Autrement dit, la langue c’est à la fois quelque chose que chacun peut s’approprier et quelque chose qui nous dépasse tous et qui n’appartient à personne. Et c’est parce que la langue est stable qu’elle est opératoire et s’en prendre à sa structure comme c’est fait ici, c’est miner ce qui garantit son usage social.
Les inclusifs commencent par confondre « langue » et « parole » et c’est ce genre de confusion qui est à la base de ces propos qu’on entend régulièrement qui prétendent qu’à partir du moment où on n’a pas les mots pour « penser le féminin des activités, des choses ou des métiers, on n’a pas les mots pour penser les femmes ».
Ceci est bien entendu une ineptie. Nous avons tous les mots de la langue pour penser le féminin!
Allez donc dire à Germaine de Staël qu’elle « n’avait pas les mots pour penser le féminin ». C’est juste qu’il faut se mettre au travail, ce ne sont pas « les mots » qui pensent, il faut en faire quelque chose, il faut précisément penser.
Donc l’écriture inclusive repose sur une vision animiste de la langue dans laquelle le féminin renverrait aux femmes et le masculin renverrait aux hommes.
Comme vous avez pu le voir avec l’accord fantaisiste de « tel » dans le passage cité plus haut. Le fait d’ajouter .e ou .es ou je ne sais quoi, on allait nous faire penser aux femmes.
Le fait est que c’est le contraire et que cela nous empêche de penser à quoi que ce soit.
Le genre grammatical concerne l’organisation de la langue, le masculin et le féminin, sont des catégories de mots qui ne renvoient aucune propriété objective.
C’est bien pour ça qu’un homme peut être « une crapule » et qu’une femme peut être « un mannequin ».
Et tout le monde sait tout à fait (peut-être à part Freud!) que la table n’est pas plus femme ou féminin en qualité que le plafond n’est homme ou masculin en qualité.
On entend souvent les adeptes de la secte inclusive dire qu’il n’y a pas de neutre en français. Cela veut donc dire que le masculin fonctionne toujours comme un masculin.
Ce qui revient à dire que lorsqu’on tient un discours au masculin (si on parle de « la grève des agriculteurs » par exemple) alors qu’on est censé parler d’une population mixte, on invisibilise les femmes.
C’est bien entendu faux. Le fonctionnement du masculin comme neutre repose sur un processus qui est assez simplement expliqué par le linguiste Patrick Charaudeau:
C’est un processus de neutralisation, c’est-à-dire un processus qui englobe les deux catégories de sexe en les neutralisant. (L’écriture inclusive au défi de la neutralisation en français – Patrick Charaudeau – dans « Le débat 2018/2 » – pages 13 à 31)
Non seulement il les englobe, mais il les fait disparaître.
Quand vous dites que Pierre, Jacques, Michelle et Monique sont élégants, ce que vous êtes en train de dire en réalité est tout simplement: « Ces gens sont élégants ».
C’est-à-dire que la référence au sexe est neutralisée précisément parce que des sexes différents sont représentés.
Si vous tenez absolument au féminin, vous n’avez qu’à dire: « Ces personnes sont élégantes » et je suis sûr que Pierre et Jacques ne vous en tiendront pas rigueur!
C’est très facile à comprendre si on voit ce que l’ont fait lorsqu’on accorde un adjectif avec plusieurs substantifs.
Ce qu’on fait est d’appliquer une seule et même propriété à un ensemble hétérogène et pour que cette application fasse sens, il faut garder de cet ensemble ce que les éléments ont en commun et supprimer ce qu’ils n’ont pas en commun.
En l’occurrence, le sexe de ces personnes diffère. Donc le sexe, la référence au sexe doit disparaître. Il en est de même de la couleur de peau ou de leur ethnie.
Et ce qui reste c’est le fait que ce sont des êtres humains, que ce sont des personnes et après, vous formulez ça comme vous le voulez.
Donc nous ne disons pas « il y a des hommes, il y a des femmes, mais seulement les hommes sont élégants », ou « il y a des hommes, il y a des femmes, mais les femmes sont élégantes d’une manière masculine », ou autre idée débile. On ne pense tout simplement pas au sexe des personnes, car celui-ci n’a aucune importance. La référence au sexe a disparu pour permettre à l’adjectif de qualifier l’ensemble.
C’est exactement la même chose pour le masculin générique, ça repose sur le même processus de neutralisation de la référence au sexe et plus généralement de la référence à la personne concrète, ce qui permet de créer des notions abstraites, à des concepts.
Par exemple, lorsque je parle de différentes études psychologiques dans mes webinaires ou dans mes articles, lorsque je dis ou lorsque j’écris « les participants » et que j’utilise le masculin, cela ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de femmes, mais cela implique que le sexe n’est d’aucune importance pour l’étude en question.
Pour varier mon langage, j’utilise souvent également « les personnes impliquées dans telle ou telle étude » et je continue mes phrases au féminin et cela ne veut pas dire qu’il n’y avait pas d’hommes impliqués.
Si j’indique un masculin ou féminin, c’est parce qu’il a une importance pour l’étude en question.
Donc non, le neutre n’est pas un masculin qui a « happé » le féminin, ce n’est pas non plus un masculin tout court, c’est tout simplement un neutre qui ne renvoie à aucun sexe par ce que le sexe n’a aucune importance dans la phrase.
En gros, ce n’est pas que le masculin est partout, c’est qu’il n’est nulle part en particulier. Le masculin ne fonctionne comme masculin que dans les cas où il s’oppose clairement à un féminin.
Enfin, il faut remarquer que (et je suppose que je ne suis pas le premier à relever ce point), cette formulation, soi-disant inclusive est en fait exclusive puisqu’elle n’inclut pas, par exemple, les personnes non binaires et certaines autres lettres du code wi-fi LGBT+12345-XYZ.
Le problème est qu’à force d’entendre ces théories et ces formulations fumeuses, on risque de finir par avoir l’impression que le neutre est un masculin et on finit par entendre tout neutre comme un masculin et en fin de compte, on finit par créer de toutes pièces ce qu’on prétend combattre.
Si on impose cette pratique aux enfants (ce qu’on est malheureusement en train de faire), le langage va s’appauvrir, car les jeunes ne vont plus comprendre le neutre et chaque fois qu’ils entendront le masculin, ils ne le comprendront que comme masculin et non comme neutre. Ils ne comprendront plus le pluriel englobant (donc inclusif, ne vous déplaise!) et cela va nous appauvrir socialement et psychologiquement.
Car la neutralisation c’est une des conditions qui nous permet de penser conceptuellement.
L’écriture inclusive est une régression psychologique par rapport à notre capacité à penser le commun et l’abstrait, car l’évolution de nos capacités linguistiques vont dans le sens de l’abstraction.
Lorsque l’enfant apprend à parler, il commence par associer par exemple le mot « oiseau » à un moineau qu’il aura vu. Ensuite il comprend comment ça marche, la globalisation et il apprend à préciser son langage.
John Locke a un bon exemple:
Les idées de la nourrice et de la mère sont bien formées dans leur esprit. […] le nom qu’il leur donne initialement est limité à ces individus. […] Par la suite, quand le temps et une plus grande familiarité leur ont permis d’observer qu’il y a bien d’autres choses dans le monde qui ont une parenté de forme et d’autres qualités qui les font ressembler à leur père, à leur mère et aux personnes auquel ils sont habitués, ils forment une idée qu’ils trouvent partagées par tous ces êtres singuliers et à cette idée ils donnent le nom d’homme par exemple.
Et ainsi, en viennent-ils à posséder un nom général et une idée générale. En cela, ils ne construisent rien de neuf, ils ôtent simplement de l’idée complexe qu’ils ont de Pierre, de Jacques, de Marie et de Jeanne, ce qui est spécifique à chacun et ne retiennent que ce qui est commun à toutes. Que ce qui est commun à toutes. (John Locke – Essai sur l’entendement humain, Livre II, parag. 7)
C’est comme ça que l’enfant se développe et c’est aussi comme ça que l’homme s’est développé.
Donc l’écriture inclusive, par sa visée particularisant, nous renvoie à l’âge de pierre.
Le slogan de Mots Cles, « Des mots qui ouvrent des portes », sont en train d’ouvrir des portes qui mènent au néant.
Autre chose importante qui pâtit de l’écriture inclusive est la connotation.
La connotation est une notion complexe et il y aurait beaucoup à dire, donc je vais simplifier.
La connotation, est placée entre l’objectif et le subjectif et concerne le pouvoir d’évocation des mots. Ce sont les idées que les mots peuvent éveiller en vous en plus de leurs références.
Par exemple, la connotation du mot « plage », c’est les vacances, la fête, les glaces, etc.
On pense aussi à la connotation lorsqu’on décide d’utiliser l’écriture inclusive dans les livres pour enfants.
D’après eux, si on écrit par exemple « savant.e.s » alors les petites filles et les petits garçons pourront plus facilement se représenter dès leur plus jeune âge comme des hommes et des femmes savantes et ils pourront se projeter dans cette carrière.
Psychologiquement parlant, je dirais plutôt que cela risque d’avoir l’effet contraire.
Car lorsque vous dites « savant.e.s », vous sélectionnez l’appartenance au sexe comme critère pertinent dans la construction de la référence.
Et ce que vous lisez, ce que vous entendez, ce que vous voyez d’abord et avec insistance, c’est « homme » et « femme ».
L’information qui prime est « il y a des hommes, il y a des femmes ». Le sexe est devenu la référence primordiale.
Mais lorsque vous dites tout simplement « savants » au neutre, pluriel, la connotation du mot « être savant » est ce qui est le plus important.
Elle est au centre de la compréhension, car elle n’est pas frelatée par cette référence au sexe, et seulement là, le mot peut vous évoquer la science, l’effort, la technique, le progrès, etc.
D’après vous, qu’est-ce qui va faire rêver les enfants? Une idée vague d’homme ou de femme ou une expression qui permet à leur imagination de prendre appui sur les idées qu’évoque la science pour eux?
C’est la même règle pour toutes les autres expressions avec doublet: à quoi voulez-vous faire référence? Qu’est-ce qui prime? La chose dont vous voulez parler ou le sexe de la personne?
Si vous choisissez de vous baser sur le genre, vous perdez la signification commune à tous et une bonne partie du concept dont vous voulez parler tout simplement, car si la référence au sexe devient le trait sémantique dominant, vous pensez d’abord et avant tout au fait qu’il y a des hommes et qu’il y a des femmes, tandis qu’avec l’équivalent neutre de ces mêmes expressions, les mots gardent leur abstraction, leur élasticité, et vous pensez à des paysages, à des événements historiques, à des œuvres d’art, à des romans, à des souvenirs personnels, à des désirs, etc.
De même lorsque vous entendez ces discours, à moins d’avoir un narcissisme exacerbé, lorsqu’on dit « étudiant », ou « Français » au lieu de vous dire « étudiant, étudiante », « Français, Française », vous vous pensez comme membre d’une communauté scientifique, culturelle, peu importe, et pas simplement comme animal sexué.
La réflexion et la connaissance reposent sur l’abstraction, l’abstraction repose entre autres sur la neutralisation, l’écriture inclusive s’oppose à la neutralisation, donc l’écriture inclusive est un rempart à la complexité et au savoir et comme si ce n’était pas suffisant, elle étouffe l’imagination.
Un point important auquel on est régulièrement confronté est cette fameuse règle qui serait que « le masculin l’emporte sur le féminin ».
Je me souviens que lorsque je discutais religion à l’époque où je combattais les sectes (ce que j’ai toujours l’impression de faire avec la tournure que prennent ces idées wokes à la graisse d’oie), j’étais toujours impressionné par certains athées. Car ils avaient toujours une idée très précise du dieu auquel ils ne croyaient pas (les croyants avaient, eux, une conception beaucoup plus large et modulée).
Et je me souviens parfaitement que lorsque j’ai appris la règle à l’époque, elle ne nous a jamais été formulée de cette façon. Je ne l’ai jamais vue écrite de cette façon dans tous les livres de grammaire que j’ai eus ou lus. Je l’ai surtout entendu cité de cette façon par ceux qui veulent imposer l’écriture inclusive.
La règle que j’ai apprise est généralement formulée comme quelque chose du genre: « Lorsqu’il y a des substantifs de genres différents, on accorde l’adjectif au masculin pluriel. »
Il n’est pas question de lutte de classe ou de lutte des sexes.
Mais fut un temps, on utilisait « l’accord de proximité », c’était plus simple, nous disent les adeptes de l’écriture inclusive. Et pourquoi l’a-t-on abandonné?
Comme dans beaucoup d’autres théories dans ce domaine, il existe plusieurs thèses fantoches.
La théorie conspirationniste la plus utilisée par les défendeurs de l’écriture inclusive serait qu’au XVIIe siècle, certains hommes de lettres auraient décidé d’abolir l’accord de proximité au profit de l’accord systématique au masculin pluriel.
Ce serait une règle arbitraire, qui a été conçue par des grammairiens misogynes et patriarcaux au profit d’une idée de domination du mâle sur la femelle.
D’autres ajoutent que ce serait pour dénigrer les femmes et pour leur interdire l’accès à certaines professions.
Ce qui ne tient pas debout.
La première remise en question notable de l’accord de proximité date de 1610 et du commentaire que Malherbe consacre au poète Baroque Philippe des Portes dans lequel il dit expressément qu’il faudrait systématiquement accorder au masculin (source).
Malherbe est suivi par d’autres grammairiens et Vaugelas répond en 1635 dans ses Remarques sur la Langue Française en commençant par constater que l’accord de proximité est encore bien inscrit dans l’usage.
L’usage dont il dit qu’il constitue une raison décisive.
Plus tard, en 1730, un autre grammairien invoquera le même argument. Pierre Restau qui écrit:
Il serait contre le bon usage de dire « les pieds et la tête nus »
Donc déjà, cette discussion nous dit deux choses extrêmement importantes:
La première est que les grammairiens de l’époque n’avaient pas le pouvoir que certains leur prêtent et qu’en réalité, c’est plutôt l’usage qui faisait foi en la matière et ces écrivains et ces grammairiens, aussi connus soient-ils, n’avaient pas le pouvoir d’imposer une règle qui contrevenait à la pratique courante.
La deuxième chose importante est que l’argument principal de Vaugelas et d’autres grammairiens pour défendre l’accord de proximité étaient pour des raisons strictement esthétiques et non pas idéologiques.
Ils préconisaient l’accord de proximité toutes les fois où l’accord au masculin sonnait mal ou pour employer les termes de l’époque, « blessait l’oreille ».
C’est pour la même raison qu’aujourd’hui toujours, on utilise une prononciation féminine dans le cas ou la prononciation masculine sonnerait de façon désagréable: On dit « un bel homme » et non pas « un beau homme ».
Et cet usage, qui est donc celui des gens lettrés, va persister tout au long du XVIIe et du XVIIIIe siècle jusqu’à certaines grammaires scolaires au début du XIXe siècle.
Autrement dit, il est totalement faux que l’Académie française ou autres grammairiens misogynes auraient fait disparaître l’accord de proximité au XVIIe siècle et on verra dans un instant qu’il a en fait disparu pour une toutautre raison.
À entendre les pseudo-intellectuels d’aujourd’hui, on pourrait croire que l’accord de proximité était très simple d’utilisation. Certains parlent même de le réintroduire (ce que je n’espère vraiment pas).
D’après eux, il s’agissait tout simplement d’accorder l’adjectif en genre et en nombre avec le dernier mot qui avait été prononcé ou écrit.
Et… Ben non! C’est totalement faux.
Il y a-t-il vraiment des gens qui croient encore que le français ait été aussi simple?
L’accord de proximité avait des conditions d’application qui le rendaient assez complexe à utiliser.
Il y avait trois conditions pour son utilisation.
Je vais vous expliquer ça rapidement.
La synonymie:
Avant de pouvoir faire l’accord, il fallait une synonymie ou une quasi-synonymie entre les substantifs concernés.
Domherg en fournit un exemple dans sa grammaire française simplifiée de 1778 (donc au XVIIIe siècle!).
Toute sa vie n’a été qu’un travail, qu’une occupation continuelle
« Continuelle » est accordée avec « occupation » parce que « travail » et « occupation » ont un sens très proche.
La gradation:
La deuxième condition qui pouvait favoriser l’accord de proximité, était la gradation.
C’est-à-dire que si on avait l’impression d’une gradation au plan sémantique entre les substantifs accumulés, on pouvait aussi pratiquer l’accord de proximité.
Vous pouvez en lire un exemple dans l’hypigénie de Racine.
Mais le fer, le bandeau, la flamme est toute prête.
Là, on considère qu’il y a une progression du fer à la flamme qui justifie qu’on accorde « prête » à « flamme ».
La catégorie:
Le dernier critère qui pouvait favoriser l’accord de proximité concerne la catégorie à laquelle appartenaient les mots.
Et à cet égard, on considérait que les noms d’inanimés se prêtaient plus volontiers à l’accord de proximité que les noms d’animés et à plus forte raison que les noms d’animés humains.
C’était assez compliqué et je n’ai pas d’exemple pour cette catégorie.
Donc tout ça pour dire que si l’accord de proximité était effectivement d’un usage répandu, il était un peu plus compliqué que ce qu’on peut dire aujourd’hui et que les gens qui s’y retrouvaient étaient des lettrés, des nobles, des érudits et des élites.
C’est justement cette complication qui a été à l’origine de son abandon au XIXe siècle et donc non pas un désir de dominance.
Au XIXe siècle, il y a eu une démocratisation progressive de l’enseignement qui a culminé avec les lois Ferry de 1881 et 1882. Et c’est l’école primaire qui de plus en plus a pris en charge l’enseignement de l’orthographe et de la grammaire.
Or, pour des raisons pratiques évidentes, l’école doit enseigner des règles stables et compréhensibles et elle peut difficilement expliquer aux élèves qu’on accorde au masculin à moins que ça choque l’oreille et qu’alors il faut encore se demander si les substantifs sont plus ou moins synonymes, s’il y a une forme de gradation sémantique sensible, etc. Tout ça est beaucoup trop compliqué.
En réalité, c’est l’école qui enterrine l’accord systématique au masculin et non pas des grammairiens du XVIIe siècle.
Cette règle de l’accord au masculin est dans son esprit fondamentalement, originellement, démocratique, contrairement à l’accord de proximité qui était une pratique de lettrés qu’on trouvait dans les cercles mondains, dans les salons, mais qui n’était pas du tout la manière dont le peuple s’exprimait.
Et à cet égard, on peut noter que l’écriture inclusive au sens plein du projet est aussi une proposition finalement assez élitiste, puisqu’elle met de côté toute une catégorie d’usagers, notamment des personnes qui rencontrent des difficultés avec la lecture et l’écriture.
Je souhaite un bon courage aux dyslexiques de ma connaissance pour s’y retrouver dans cette écriture dite « inclusive » et qui, comme on peut le voir, exclut bien plus qu’elle n’inclut.
De même, je vois mal des gamins qui ont des difficultés à faire la différence entre « son » et « sont » ou qui écrivent « ça va », « sava » s’y retrouver dans un langage où on mêle, en plus de mots pas toujours évidents à écrire, du morse et des lettres .e, .te et autres idioties par-ci, par-là.
Personnellement, je ne laisse le plus souvent pas passer les commentaires sur ma chaîne YouTube ou sur mon blog qui sont en écriture inclusive. Je décroche le plus souvent rapidement lorsque je vois ces âneries et je ne fais absolument aucun effort pour essayer de le comprendre.
Je vous conseillerais de faire de même et de combattre ce phénomène. Non, je ne crois pas que cela ne soit qu’une passade et il est important de réagir.
Pour la santé psychologique et mentale des jeunes d’aujourd’hui et des enfants, je dirais qu’il est important de bannir totalement cette forme d’écriture de tout ce qui est enseignement, documents officiels et autre. Les retombées risquent d’être catastrophiques. (Cyril Malka)