(10/06-2024) – Lorsque j’ai entendu l’info ce matin, qu’Emmanuel Macron avait dissous l’assemblée et que tout le monde était scotché, j’ai été étonné.
Pourquoi?
Mais parce que je l’attendais.
Sur les diverses chaînes d’info, les journalistes s’étonnaient que Macron, qui pourtant ne réagissait jamais « à chaud », l’avait fait ce coup-ci…
Mais… Bien sûr que non il n’a pas réagi à chaud. Il a réagi totalement froid et calculé.
Vous croyez vraiment que le costume de deuil, tout en noir, qu’il portait, est quelque chose qu’il a enfilé au dernier moment? Vous l’avez vu quand habillé en noir, Macron?
Tout ceci n’est pas à chaud, tout ceci est parfaitement calculé d’avance.
Je me trompe peut-être vu que je suis psy et pas politologue. Et même si je refuse de diagnostiquer les hommes politiques comme tous les crétins qui paraissent sur les plateaux de télé pour diagnostiquer les personnes connues à tour de bras, j’aime m’intéresser à la communication et à la façon d’agir (et de mentir), des hommes politiques.
Et Macron est très doué.
Remontons en arrière: Macron a refusé mettre l’assemblée nationale en jeu et pour cette raison a plusieurs fois dit qu’il ne voulait pas dissoudre l’assemblée nationale.
Donc les RN, avec le Pen et Bardella à leur tête, ont eu beau jeu de le bisquer et de dire qu’il faudrait qu’il effectue une dissolution de l’Assemblée Nationale. Tout en sachant, ou plus précisément tout en croyant savoir, que Macron n’allait pas le faire.
Marrant, car s’ils m’avaient demandé mon avis, je leur aurais dit que si, bien sûr qu’il allait le faire! Aussi, commencez à préparer des élections, vos membres, etc. car ça va bien entendu arriver. Macron n’attend que ça!
Pourquoi?
Ça me paraît bien simple: Macron voudrait un troisième mandat et sa seule façon de l’obtenir est de démissionner, et pour ce faire, il lui faut une bonne excuse. Et l’élection européenne est une excuse merveilleuse car elle lui permet de « démissionner » en force (c’est-à-dire, sans qu’il n’y ait un scandale, donc, sa personnalité n’est pas entamée.)
C’est le moment parfait pour lui, c’est l’excuse parfaite.
S’il démissionnait en pleine contestation (genre Gilets Jaunes) il serait dans une position affaiblie. Il ne l’est pas en ce moment.
Alors, l’astuce, c’est quoi?
Personnellement, et en joueur d’échecs chevronné, Macron est en meilleure position qu’il ne l’a eu depuis longtemps et il peut, grâce à cette élection, briguer un troisième mandat.
C’est risqué, bien sûr, et ça peut rater, mais pas sûr.
Voyons ce qui se passe:
Premier tour des nouvelles élections, le 30 juin, dans 20 jours, donc.
Reconquête est en plein en train de se déchirer. Pourront-ils vraiment se mettre d’accord et trouver 577 personnes à présenter? Je ne le crois pas.
La gauche est morcelée, Mélenchon est allé trop loin dans l’antisémitisme, il ne sera pas possible de faire une nouvelle union de la gauche. Ils ne trouveront pas non plus. Mélenchon a trop parlé pour la gauche et ils vont perdre un grand nombre de voix. C’est-à-dire toute la gauche qui n’est pas nécessairement antisémite et extrémiste (et il y en a!)
Macron a décidé de ne pas présenter de candidats là, où il n’y a pas de candidat « en dehors de l’arc républicain ». C’est donc à dire que les endroits où il y a des candidats LR, ou PS ou autre, Macron ne présentera personne. Il ne présentera que contre le RN, Reconquête et certains d’extrême gauche.
Il lui sera facile alors de présenter le nombre de candidats nécessaire, à l’inverse des autres partis qui, pris de court, doivent mettre les bouchées doubles pour essayer de trouver des candidats appropriés.
Si les partis qui pourront se réunir sous Macron gagnent (ce qui paradoxalement n’est pas gagné), Macron aura un parlement qui le suivra.
Cela risque de m’étonner, mais c’est possible.
Il y a une plus grande probabilité pour que le RN obtienne un très bon score (je ne crois pas au succès de Reconquête, et LR est une blague).
Jordan Bardella se voit peut-être premier ministre, mais je pense que ce serait de mettre la charrue avant les bœufs.
Deux possibilités: Macron pourrait le prendre comme premier ministre, le laisser faire ce qu’il veut, vu qu’il est jeune et sans expérience, il se plantera et les Français perdraient confiance au RN.
Mais ça, ça aurait mieux marché sous Macron 1, alors qu’il peut être réélu. Pas sous Macron 2 où il ne le peut plus. S’il jouait cette tactique (comme Mitterrand l’avait fait avec Chirac), cela aiderait la personne qui viendrait après Macron (Attal?), mais pas Macron, qui brigue, je le pense, un troisième (impossible) mandat.
Si le RN sort en tête ou si Macron se retrouve en minorité, peu importe s’il s’agit du RN, de la gauche ou de l’association des camionneurs gays et trans, il démissionnera.
Il démissionnera car « pour la France », on ne peut pas travailler de cette façon.
La loi ne dit pas que le président n’a le droit qu’à deux mandats. La loi dit précisément: « il est interdit d’exercer plus de deux mandats de cinq ans successifs »
Relisez: plus de deux mandats DE CINQ ANS successifs
En 2022 en Polynésie Française l’ancien président, Édouard Fritch, est autorisé à se présenter pour un troisième mandat car lors de son premier mandat, il n’avait eu que quatre ans de présidence car son prédécesseur avait démissionné.
Le Conseil d’État avait donc statué qu’il avait le droit de se représenter à une nouvelle et troisième reprise. Un mandat qu’il a achevé en 2023.
Emmanuel Macron, après les élections législatives, démissionnera et il se représentera pour un troisième mandat.
Pour l’instant, pour une élection présidentielle, qui pourra se présenter contre lui?
Jordan Bardella? Trop jeune, Macron n’en fera qu’une bouchée.
Qui d’autre? Ni Reconquête, ni Mélenchon…
On risque de se retrouver avec un troisième duel Marine le Pen – Macron, et Macron, fort de ses deux premiers duels et de ses deux premiers succès, compte (ou espère) le gagner.
Les étoiles sont alignées, c’est le meilleur moment pour Macron s’il veut un troisième mandat. Il n’est pas dit que ce soit gagné, mais il n’y aura pas de meilleure chance.
Donc, bien entendu, il a dissous l’assemblée!
Mais le jeu ne se jouera pas lors des législatives, mais lors des présidentielles qui suivront. Ce sera un jeu difficile à jouer pour Macron, car il a gagné de justesse la dernière fois, mais c’est sa seule chance s’il veut rester aux manettes pour encore cinq ans. (Cyril Malka)