Pauvreté et criminalité

(05/06-2014) – Régulièrement, on peut lire dans les journaux ou sur Facebook ou autres réseaux sociaux, que pour venir à bout de la criminalité, il faut combattre la pauvreté et éduquer les gens.

C’est marrant, car c’est un des trucs qui peut me vexer énormément.

Je trouve cette stigmatisation de la pauvreté ou même des revenus modestes très gênante.

Étant enfant, j’ai vécu dans le groupe d’HLM la C.I.L.O.F à Neuilly-sur-Marne (93), mes parents étaient divorcés. Ce n’était pas encore la mode et j’étais le seul de l’école à avoir des parents divorcés. Cela avait été un divorce très dur avec engueulades, insultes, vaisselle cassée et tout et tout. Je vivais donc avec ma mère qui était seule à une époque où il n’y avait pas toutes ces aides sociales.

La famille au-dessus, le mari était éboueur. Les autres voisins étaient de condition tout aussi modeste, s’ils travaillaient.

Aucun de nos voisins n’était criminel. Aucun de mes copains, avec qui je passais mes mercredis après-midi à jouer aux cow-boys et aux Indiens, n’était criminel. Bien sûr, nous faisions des bêtises de temps à autre ou nous nous battions, mais ce n’était rien de criminel (et en plus, on pouvait être aussi bons copains après une bonne baston).

Plus tard, lorsque je suis arrivé au Danemark, en 1983, je ne parlais pas danois ni rien. J’ai appris la langue, j’allais aux cours du soir pour passer mon bac et j’ai fait à peu près tous les boulots que personne ne prenait, comme un bon travailleur immigré : j’ai travaillé dans une scierie à déplacer plusieurs tonnes de bois par jour, nettoyage industriel, nettoyage des w.c. à la DSB (ce qui correspond à la SNCF en France), pour ce qui est d’un boulot dégueulasse, je vous le recommande ! En hiver, comme je me déplaçais d’un immeuble à l’autre à pied avec un jerrican de 50 litres d’eau et de savon sur un diable, ainsi que mon seau, grattoir, etc., l’eau qui était sur mes gants avait le temps de geler et de devenir des glaçons avant que j’arrive à l’immeuble en face. La vache, il caillait !

Je vivais dans une chambre que je louais avec deux plaques communes pour faire cuire la tambouille dans le couloir commun et lorsque je pouvais, je faisais la manche : j’allais jouer de la guitare dans la rue. Jouer de la guitare dans la rue au Danemark en décembre et bouger les doigts sous ce froid, je vous le recommande. Ou alors, j’allais ramener les bouteilles vides que je trouvais dans la rue pour toucher la consigne (ben oui, j’ai fait les poubelles).

Nous étions tous étrangers, nous avions tous des boulots de ce genre, plusieurs de mes connaissances faisaient les bouteilles vides, et aucun d’entre nous n’était criminel pour autant.

Mon grand-père paternel, né en Algérie, n’a jamais reçu d’éducation et il a été très pauvre aussi. Il ramassait des chiffons qu’il recyclait. Il n’a jamais été criminel.

La grand-mère de ma femme était mère célibataire et divorcée. Même si c’était le Danemark, dans les années cinquante, c’était inconcevable. Elle était mère célibataire de trois enfants et elle travaillait dur. Lors de sa jeunesse, elle allait à l’école un jour sur deux. Elle était pauvre, mais elle n’était pas criminelle, aucun de ses enfants n’est devenu criminel, aucun de ses petits enfants ne sont devenus criminels.

Des exemples comme ça, il y en a des centaines de milliers et oui, je me sens presque insulté lorsqu’on annonce comme « vérité » que pauvreté (ou revenus modestes) mène à la criminalité. Non, ce n’est pas vrai ! Seulement certaines personnes choisissent la voie de la criminalité. Il se peut parfaitement qu’une bonne partie de ces personnes ne choisissent pas la voie criminelle si on ne les en excusait pas par avance. En fait, le fait de prendre cette idée irrationnelle et d’en faire une vérité, on fait des émules, on donne des idées et des excuses.

Si on regarde les chiffres, les départements les plus pauvres en France son la Creuse (96e), le Cantal (89e) et le Lot (71e). Ils présentent les PIB les plus bas de France. Ce sont aussi les trois départements les moins criminels et délinquants. Parmi les départements les plus criminels et délinquants : Seine-Saint-Denis (15e), Bouches-du-Rhône (11e) et Rhône (3e), ils ont des taux de chômage bien plus bas que la Creuse, le Cantal ou le Lot (8000 entreprises se créent par an dans le 93 d’après l’APCE). Le revenu moyen des ménages y est de 2 186 euros par mois, ce qui est un peu supérieur à la moyenne nationale et bien plus élevé que la Creuse (1 777 euros par mois).

Pour ce qui est des bénéficiaires du RSA, ils représentent la même proportion en Seine Saint-Denis que dans l’Aude, les Ardennes ou encore les Pyrénées orientales (Insee, 2010)… Néanmoins, point de vue criminalité, il n’y a pas photo.

Au niveau régional, l’Île-de-France, région la plus touchée par la criminalité, présente le troisième taux de chômage le plus bas de France.

Alors s’il vous plaît, arrêtez de stigmatiser les pauvres ou les personnes qui ont des revenus modestes. On peut parfaitement être pauvre ou de revenu modeste sans pour autant être criminels, c’est d’ailleurs, le plus souvent le cas. (Cyril Malka)

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