La Zizanie

(04/05-2017) – Je n’habite pas en France, donc je ne vote pas. Pas parce que je n’ai plus la nationalité française. Pas parce que je ne le peux pas. Mais tout simplement parce que vu que je n’habite pas le pays, je ne veux pas me mêler de qui deviendra président ou parlementaire.

Néanmoins, j’aime suivre les débats d’entre deux tours: Communication, langage corporel, arguments. La façon dont Sarkozy avait désarçonné Ségolène Royal et l’avait fait exploser sur le plateau était impressionnante. De toute évidence, c’était prévu et on se souvient tous la façon dont Sarkozy ne regardait même pas Royal mais ses papiers alors que cette dernière partait en live. À partir de ce moment et lorsque Sarkozy a placé l’estocade finale en lui disant qu’un président se devait de rester calme (ce qui pourtant a été loin d’être le cas lors du quinquennat de Sarkozy), on savait qui allait devenir président.

Face à Hollande, Sarkozy s’est moins bien défendu. Il faut dire qu’il avait un lourd bilan à charge et c’était facile de gagner pour Hollande vu que les Français étaient prêts à voter n’importe qui pour éviter que Sarkomence.

Sarkozy a pu placer quelques bonnes répliques, telles que « Monsieur Hollande, vous, vous voulez moins de riches, moi je veux moins de pauvres! » mais elles n’ont pas résisté au syntagme de l’anaphore de Hollande: « Moi président de la République« .

 

Hier, nous n’avons pas eu de débat présidentiel, mais un pugilat de vaudeville. Je me suis follement amusé de certaines répliques pas piquées de vers que les deux combattants ont échangé.

Macron a trop joué sur le dédain de son adversaire. Je ne pense pas que cela lui serve bien. Bien entendu, Le Pen a placé plusieurs inexactitudes. Au lieu de l’accuser de « mentir » et de « dire n’importe quoi« , il aurait mieux valu garder son calme et se contenter de dire que ceci cela n’est pas exact. Ce qui s’est passé est ceci-cela et laisser les Français eux-mêmes penser le mot « mensonge ».

Au lieu de cela, Macron a mordu à l’hameçon et a plusieurs fois failli s’emporter. Il parlait vite, zozotait plus et on voyait qu’il avait la bouche sèche et de la bave aux commissures des lèvres.

 

Marine Le Pen a été plus prévoyante et buvait régulièrement de l’eau justement pour éviter de bafouiller ou d’avoir la bouche sèche.

À l’inverse de la plupart des observateurs que j’ai lus dans la presse française, je pense que Macron a perdu des voix lors de ce débat. Il réagissait trop vite et trop facilement aux provocations de Le Pen et nombre de fois, les journalistes n’avaient pas moyen de faire avancer le débat.

Je ne trouve pas que Macron a eu de phrases, d’expressions ou d’allocution spécialement forte et intéressante. Rien de vraiment mémorable.

Marine Le Pen, si elle avait du bon mordant, était mal préparée. Son but était de décrédibiliser Macron. Pour cela, elle avait un avantage: Macron a été ministre et conseiller et a commis des bourdes sur lesquelles Le Pen a essayé de l’accrocher. Mais, elle s’est plantée dans les dossiers.

Son objectif était de toute évidence, non pas de se mettre en valeur, mais de démonter son adversaire. Les attaques ad hominem ont fusé. Si certaines pouvaient être justifiées, celles-ci ont été noyées dans la masse d’accusations loufoques. En gros, elle en a trop fait. Ce qui fait que Macron a pu facilement contredire Le Pen en montrant qu’elle se trompait et en passant sous silence les cas où elle ne se trompait pas. En voulant trop en faire, elle a dépassé la mesure.

Plusieurs fois, lorsque Macron commençait à parler vite et à s’emballer, Le Pen lui envoyait des piques du genre: « Ouh là, comme vous êtes énervé! », avec le but, justement, de le faire sortir de ses gonds. Mais Macron, apparemment bien coaché se ressaisissait alors, croisait ses mains sur la table et reprenait son calme.

Malheureusement pour elle, Le Pen n’avait que cette arme à sa disposition qu’elle ressortait régulièrement. Lorsqu’elle a vu que cela ne marchait pas, elle aurait dû changer de technique. Mais apparemment, les coachs du FN ne connaissent que cette technique.

Par contre, j’attribue à Marine Le Pen la meilleure réflexion de la soirée. Elle a eu plusieurs très bonnes réparties telles que: « Je suis la candidate du pouvoir d’achat, vous êtes le candidat du pouvoir d’acheter » qui était pas mal du tout.

Ma préférée était sans doute aucun lorsque Le Pen a reproché à Macron sa proximité avec la chancelière allemande, Angela Merkel, elle a déclaré: « Vous êtes allé voir Merkel. Vous avez déclaré ‘je ne serai pas face à elle, mais avec elle‘ » Et de conclure: « De toute façon la France sera dirigée par une femme. Si ce n’est pas moi, ce sera Merkel« .

Celle-là, je l’ai trouvé savoureuse.

On dit sinon que les candidats sont très différents, très opposés l’un à l’autre, ce qui est vrai. D’un côté Marine Le Pen à la voix rocailleuse d’une patronne de bistrot, un langage corporel de docker et qui, même si elle fait attention, reste très vulgaire (attention, je n’ai pas dit « grossière », mais « vulgaire ») et face à elle, Emmanuel Macron, tête de premier de la classe, détaché du peuple et un zozotement qui peut soit amuser soit agacer (voire les deux).

Seuls points communs: Tous deux manquent de format et de style et aucun des deux ne me paraît spécialement bien armé pour diriger la France… Louis de Funès et Annie Girardot dans « La Zizanie » me paraissent bien plus crédibles.

 

Heureusement que je ne vote pas, comme annoncé plus haut.

Au final: Ces dernières années, j’ai prédit que 2017 est trop tôt pour une présidente Le Pen. Elle n’aura vraiment sa « chance » qu’en 2022. Je pense que cette prédiction tiendra la route et qu’Emmanuel Macron deviendra le prochain président… Bon courage! (Cyril Malka)

  1. Henrik V Blunck dit :

    Je suis tout à fait en accord avec Vous. Le débat était déplorable au point de vue de la manque de discipline. Interrompre l’autre candidat est inexcusable si on veut signaler une personalité de la présidence. Et oui, je suis du même avis qu’il a bien perdu des votes par cette présentation.

    J’ai presque souhaité qu’on aurrait fermé le débat – ou au moins le microphone – lors des interruptions répétées… 🙂
    Les deux journalistes ont raté leurs rôles de moderateur…

    Le seul argument qui était bon était sur la question de la sortie de l’Euro. Mme Le Pen n’était pas assez préparée pour pouvoir discuter le sujet de l’économie – mais encore lá, c’était bien évident que la plupart des gens n’ont rien compris parce qu’il ne sait pas s’exprimer d’une façon claire.

    Je serrais colé devant la télé ce dimanche à 18h30 lorsque France 2 commence la transmission avec une soirée de nouvelles depuis ces élections…

    • Cyril Malka dit :

      Merci beaucoup de votre commentaire, Henrik,

      Et surtout, Marine Le Pen s’est totalement planté et elle a démontré son ignorance sur des sujets importants:

      – On ne peut pas sortir de l’Euro « juste comme ça » et il est impossible d’avoir des entreprises qui payent en Euro avec l’étranger et en Francs à l’intérieur des frontières. C’est totalement débile et impossible. Cela doit être ou l’un, ou l’autre. Et revenir au Franc… C’est quelque chose qui risque de prendre une bonne dizaine d’années et coûter très Cher.

      – Elle veut taxer les importations pour préserver les industries françaises. La bonne affaire! Comme Macron l’a dit: C’est totalement débile également. La plupart des entreprises françaises utilisent des produits importés. S’ils sont taxés, le prix de production des produits français va augmenter. L’exemple des médicaments était parfait: la France importe 70% ou 80% de ses médicaments. Produit importé + taxe = Ça coutera plus cher d’être malade, la sécurité sociale devra rembourser plus…

      Bref… Son programme ne tient pas debout. Il faudra que les Français deviennent beaucoup plus désespérés avant de la voter à la tête du pays.

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