(14/07-2021) – Il était une fois, en Suède, un matin d’hiver, une mignonne petite fille nommée Greta se réveilla dans un monde parfait.
Elle se réveilla dans un monde où plus aucun produit pétrolier ne ruinerait la terre. Enfin, le futur était là. Enfin, la planète était sauvée. Enfin! Sa bataille était gagnée!
Elle jeta son drap de coton et sa couverture de laine de côté et sauta hors de son lit sur un sol en terre battue recouvert d’écorces de saule qui avaient été pulvérisées avec des pierres.
« Qu’est-ce que c’est ça? » demanda-t-elle, surprise.
Une lumière aveuglante descendit du ciel et sa fée marraine apparut dans cet éclair brillant.
« Ça? C’est de l’écorce de saule pulvérisée », répondit sa fée marraine.
« Ben? Et la moquette, alors? Qu’est-ce qu’il lui est arrivé, à la moquette? » demanda Greta.
« La moquette était en nylon et le nylon est fabriqué à partir de butadiène et de cyanure d’hydrogène, tous deux fabriqués à partir de pétrole », répondit la fée marraine.
Greta sourit. Elle savait que certains ajustements sont nécessaires pour sauver la planète.
Elle alla en direction du lavabo pour se brosser les dents et au lieu d’une brosse à dents, elle trouva une petite branche de saule hachée sur un bout afin d’en faire ressortir les poils en fibre de bois.
« Ta brosse à dents? » dit sa fée marraine, du nylon, également.
« Hm… » Répondit Greta. « Et l’eau? Où est-elle? »
« En bas de la route dans le canal, » répondit sa marraine, « quand tu vas la chercher, assure-toi de la prendre en amont afin de ne pas attraper le choléra. »
« Et l’eau courante? Pourquoi n’y a-t-il pas d’eau courante ? » demanda Greta, d’un air un peu maussade.
« Eh bien… », répondit sa marraine (j’ai laissé tomber le « fée marraine » parce que c’est un peu lourdingue quand même, mais bon, vous ferez comme si), « Par où commencer? » Et sa marraine due se lancer dans un long monologue explicatif sur la façon dont les vannes de lavabo ont besoin de « sièges » ou de « joints » élastomère et comment les tuyaux contiennent du cuivre, qui doit être extrait et comment il est impossible de fabriquer des équipements de terrassement entièrement électriques sans lubrification des engrenages, qu’on a besoin de pneus et comment le minerai doit être fondu.
« Fondre du métal, c’est difficile à faire avec uniquement de l’électricité comme source de chaleur, et de toute façon même si on n’utilise que de l’électricité, les fils ont besoin d’une isolation, qui est à base de pétrole.
Même si la majeure partie de l’énergie de la Suède est produite de façon à respecter l’environnement, grâce à l’hydroélectricité et au nucléaire, on a quand même besoin de beaucoup de produits et de sous-produits pétroliers tels que des lubrifiants, du nylon, du caoutchouc pour les pneus, de l’asphalte pour remplir les nids-de-poule et pour goudronner les routes, de la cire, du plastique, des élastiques pour les iPhone pour empêcher vos sous-vêtements de glisser, pour faire marcher un four de fusion de cuivre et . . . »
Greta interrompit le monologue: « Okay, okay, okay. Alors? Qu’est-ce qu’il y a pour le petit déjeuner? »
« Des œufs de poule frais, nourris au pâturage », répondit sa marraine. »
« Super! » répondit Greta.
« Crus. », ajouta la marraine.
« Comment ça, crus? » demanda Greta.
« Ben… »
Et encore une fois, la marraine a dû informer Greta du besoin de produits pétroliers tels que l’huile de transformateur et des dizaines de produits pétroliers essentiels à la production de métaux pour faire les poêles à frire.
Et il lui fallut apprendre qu’on est obligé de choisir et que dans un monde sans pétrole, il est difficile, voire impossible de faire cuire des œufs.
À moins, bien sûr, d’allumer un feu de bois et de cuire soigneusement l’œuf dans une peau d’orange comme on apprend à le faire chez les scouts. Mais les oranges, il n’y en a pas en Suède. Les quelques oranges qui arrivent en Suède par bateau à voile depuis le Maroc coûtent une fortune et ne se conservent pas longtemps vu le temps du trajet.
« Mais c’est que je veux des œufs pochés comme ma tante Tilda a l’habitude de faire », déplora Greta.
« Ah! Oui! Tiens! À propos de Tilda… Ta tante Tilda est morte ce matin », expliqua la marraine. « Pneumonie bactérienne ».
« Quoi?! » s’exclama Greta. « Qu’est-ce que c’est que cette histoire? Personne ne meurt plus de pneumonie bactérienne depuis que nous avons la pénicilline! »
« Plus maintenant », expliqua la marraine
« La production de pénicilline nécessite une extraction chimique à l’aide d’acétate d’isobutyle, qui, si tu connais ta chimie organique, est à base de pétrole. »
« D’ailleurs, autre problème », ajouta la marraine, « Beaucoup de gens meurent, et ça complique beaucoup de choses, car il n’y a aucun moyen facile de se débarrasser des corps, car les pelles rétrocaveuses ont besoin d’huile hydraulique et les crématoriums ne peuvent pas vraiment brûler de nombreux corps en n’utilisant comme combustible que du bois et du charbon. Les grandes forêts suédoises disparaissent à vue d’oeil, car tout le monde utilise du bois pour tout: rester au chaud, faire cuire des oeufs, incinération des corps, fondre les quelques métaux qui veulent se laisser fondre à cette chaleur… »
Vous venez de lire à peine une fraction d’une journée de Greta dans le nouveau monde.
Il s’agit d’une journée sans microphones pour s’exprimer, sans beaucoup de nourriture, et une journée sans bateaux en fibre de carbone pour naviguer, mais c’est là une journée qui sauvera la planète.
Souvenez-vous de lire le prochain épisode de la vie verte de Greta. Vu les brosses à dents, lorsque Greta aura besoin d’une dévitalisation et qu’elle apprendra comment la novocaïne, utilisée pour l’anesthésie locale, est synthétisée. (Cyril Malka)